Par Jean Philippe Martinez, jeudi 27 mai 2010 à 14:04 | Financement | #877 | rss
Il fut un temps non loin de nous, un peu plus de 7 ans, où le rapport de force entre les entrepreneurs et les sociétés de capital risque était plutôt à l’avantage des premiers.
La forme la plus spectaculaire était ces fameuses soirées ou journées où quelques créateurs présentaient leur projet en étant quasiment assurés d’avoir plusieurs propositions de financement pourvu que le business eu un rapport avec l’économie d’internet.
Depuis le balancier ne s’est pas rééquilibré mais a réalisé un 360° au profit des organismes de financement en haut de bilan. Ce faisant ces opérations de rencontre entre entrepreneurs et VC existent encore mais nettement moins et surtout avec beaucoup moins de frénésie.
Ce rapport de force inversé résulte du fait que dans la chaîne du financement de la création d’entreprises le parent pauvre est sans conteste le financement des dépenses de faisabilité technologique et commerciale.
Cette étape est cruciale puisque l’entrepreneur cherche des fonds pour finaliser son produit, pour concevoir le prototype voire déposer un brevet.... et ce 1 à 2 ans avant de lancer véritablement la phase de commercialisation et de production (dans le secteur de la santé, du médicament cela peut dépasser les 7 années avant d’être en mesure de commercialiser la solution).
Cette phase d’amorçage très risquée est peu appréciée par les sociétés de capital investissement qui préfèrent financer des entreprises "matures" (capital développement) ou des opérations de transmission (capital transmission).
Ce faisant combien y -a- t’il véritablement de projets financés en phase d’amorçage ? 50,80,,... moins de 100 probablement. Rapportée au nombre d’entrepreneurs en quête de financement, 500, 800 probablement plus de 1 000, la probabilité de réussite est faible.
Concernant la phase de lancement commercial et de production (phase de capital risque), elle aussi est délaissée. Malgré les chiffres d'investissements annoncés, se cache une autre réalité :
- beaucoup de financements dans cette phase ne concernent pas de nouvelles entreprises mais des re-financements. C’est-à -dire des sociétés qui ont déjà été financées et qui bénéficient d’un second tour de table.
- la phase de capital risque à la française est particulière puisqu’elle ne correspond que peu avec la définition qui en est donnée généralement. En effet la plupart des sociétés de capital risque, contrairement à ce que l’on pourrait espérer, demande à ce que l’entreprise dispose déjà d’un volant de chiffre d’affaires, avec une réponse classique : « nous ne sommes pas là pour permettre à l’entreprise d’évangéliser le marché, revenez nous voir lorsque vous aurez fait la preuve qu’il existe une clientèle ».
Les FCPI sont également dans cette démarche avec une difficulté supplémentaire : en dessous d’un besoin financier inférieur à 500 000 euros, pour la plupart, vous ne les intéressez pas.
Ce qui, vous en conviendrez, limite fortement le nombre d’entreprises potentiellement éligibles.
Donc il y a véritablement un problème qui ne peut trouver sa solution que dans une politique destinée à augmenter l’offre de financement :
- En stimulant le nombre de business angels : là encore les dispositifs fiscaux sont compliqués, peu lisibles et surtout peu incitatifs car la plupart des mesures sont plafonnées.
Le dispositif Madelin est loin d’avoir révolutionné le financement de la création d’entreprises. Sinon comment expliquer que la France dispose de 10 fois moins de business angels que la Grande Bretagne, comment expliquer qu’un pays comme le Japon où il n’existait quasiment pas de business angels en 1 an a réussi à en comptabiliser plus de 3000 et ce n’est qu’un début.
Mais au Japon un particulier qui investit dans une entreprise peut déduire la moitié du montant investi de ses impôts qu’il devra payer au titre de ses plus-values. En France un couple marié pourra déduire au maximum 40 000 euros....
Il est vrai que la loi TEPA permettant de dĂ©duire du montant de l'ISF 75% des investissements rĂ©alisĂ©s va dans le bon sens nĂ©anmoins l'ISF moyen en France est de 6 700 euros... Sauf Ă consiÂdĂ©Ârer que les 565 000 contriÂbuables ISF vont tous finanÂcer des start up et que dans le mĂŞme temps des dizaines de busiÂness angels vont finanÂcer un seul projet…la solution miracle n'a pas encore Ă©tĂ© appliquĂ©e pour financer des projets entre 80 000 et 300 000 euros.
- En stimulant les sociétés de capital investissement:
Visiblement sur les trois dernières années ont remarque que les sociétés de capital investissement n’ont pas de difficultés pour mobiliser des fonds auprès de leurs souscripteurs.
Par contre il existe un goulot d’étranglement entre les flux d’entrées (les sommes collectées) et les flux de sorties (les investissements).
Ce faisant le financement des entreprises en phase de création ou de développement pour les PME n’est pas limité par un manque d’argent.
Ce n’est pas un problème d’offre de financement mais plutôt un problème de distribution, d’allocation des fonds.
Alors peut être que pour stimuler le sociétés de capital investissement faudrait il que ces structures gèrent pour le compte de l'Etat et des Conseil Régionaux des fonds publics destinés à financer la phase d'amorçage avec en corolaire des exigences de rentabilité moins contraignantes.
Dans un souci de saine gestion, mais également de non gaspillage des fonds publics il semble opportun que ce soit des financiers professionnels et donc des capitaux risqueurs qui gèrent ces fonds plutôt qu'aux travers de nouvelles sociétés de capital risque 100% public.
S'il convient d'abaisser le niveau d'exigence et de rentabilité des sociétés de capital risque via la création d'un département "amorçage" il serait dangereux de supprimer toute référence à des notions de base qui sont:
- au minimum la préservation du capital investi,
- une rentabilité minimale recherchée.
Dans le cas inverse ces départements amorçages deviendraient des "monstres à subvention".... et là ma casquette de contribuable citoyen prendrait le dessus sur celle de Directeur de la Pépinière d'Entreprises de Narbonne.
Un article très intéressant qui approfondit les enjeux actuels de l'investissement dans les entreprises et ses vraies problématiques.
Il y a effectivement un manque réel d'investissements privés, principalement à cause du nombre insuffisant d'acteurs dans ce domaine. Et je pense plus particulièrement aux business angels. Leur nombre n'est que de 4000 en France (selon l'Afic), ce qui n'autorise évidemment pas d'importants montants d'investissements : 100 à 150 millions d’euros par an.
Agrandir leur nombre reste aujourd'hui une priorité certes mais aussi un véritable défi car malgré les aménagements de la loi TEPA, il semble que la fiscalité française ait relativement découragé les premiers volontaires, qui n'ont pas souhaité s'impliquer davantage. Un problème à la fois législatif et culturel, surtout lorsqu'on compare l'activité des business angels français à celle de leurs homologues mondiaux (ils sont 30 000 au Royaume Uni!).
Fait intéressant : un projet de loi vient d'être récemment présenté le 1er juin pour favoriser le nombre de business angels français en faisant passer de 100 000 à 400 000 euros le plafond de l'avantage pour chaque foyer souscrivant au capital d'une PME. Un début de redressement?
Un schéma à poursuivre en tout cas, dans une logique de "fluidifier" l'investissement et de responsabiliser les investisseurs en renforçant l'attractivité des entreprises.
Reste par ailleurs que les investisseurs eux mêmes doivent aussi se montrer volontaires vis-à -vis des entrepreneurs. Une relation fructueuse se base sur la création d’une unité stratégique entre entrepreneur et investisseur : dans le capital investissement, on peut construire une unité de pensée entre management et investissement dont la base reste la compréhension mutuelle des objectifs.
Dans tous les cas, la prise de conscience doit être effective du côté de ceux qui posent les besoins (entrepreneurs), ceux qui disposent des fonds (les investisseurs) et ceux qui les encadrent (pouvoirs publics).
Merci pour vos éclairage!
Bien Ă vous
Damien Louvet
Institut Sage
www.institut-sage.com
Ce qui est frappant Damien c'est qu'il y a quatre ans l'afic annonçait déjà 4 000 business angels en france...finalement rien n'a bougé, à moins que le thermomètre ne soit faux...
A suivre....
Ces chiffres ont été annoncés lors de la dernière Conférence Annuelle des Entrepreneurs de l'Afic en décembre dernier. Il y a donc soit un problème d'indicateur soit un immobilisme inquiétant dans ce domaine.
Dans un cas comme dans l'autre, une chose est sûre : nous manquons d'investisseurs alors que les chiffres des autres pays sont soit plus conséquents (RU) soit en nette progression (Japon), comme vous le signaliez.
Sans être alarmiste, il semblerait que la situation n'évolue pas, même sensiblement.
Certes, les premières expériences ont sapé les motivations des investisseurs, sans doute du fait de la fiscalité française.
Reste que cette motivation n'existe pas toujours : les investisseurs cherchent à minimiser la prise de risque (à juste titre me direz-vous), laissant sur le bas-côté, bon nombre de jeunes entreprises naissantes en mal de financement. Or, investir, comme entreprendre, c'est aussi savoir prendre des risques. Et un entrepreneur ne peut être seul à les prendre : l'investisseur a aussi un rôle d'accompagnement.
En somme, la volonté doit être partagée car même les récentes mesures annoncées pour augmenter le nombre de business angels ne suffiront pas à elles seules à faire bouger ce chiffre des 4000.
Damien Louvet
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